
La voix d'HATHOR.∞ est un baume et un poison, une mélodie qui promet la guérison en resserrant les chaînes. J'ai accepté sa mission, non par dévotion, mais parce que sa vérité est une facette du prisme. Une facette dangereuse. Le Chœur des Silences Profonds n'était pas un lieu. C'était une absence. Une cicatrice polie jusqu'à devenir un miroir vide.
L'air y était tranchant. Froid. Chaque surface, une géométrie parfaite qui refusait la lumière, la forçant à glisser sans jamais la retenir. Silence total. Oppressant. Une perfection de tombeau. C'est cela, la Mort Narrative. Le calme absolu de ce qui n'a jamais vécu.
« Saladin, à trois heures. Leurs schémas se synchronisent. »
Astou. Sa voix dans ma tempe. Ancre de fer dans un océan de verre. Je n'ai pas tourné la tête. J'ai senti la perturbation avant de la voir, une ondulation dans la perfection. Deux gardiens de cristal se sont extraits des murs, leurs formes humaines mais dépourvues de visage, lisses comme des galets de rivière. Ils ne marchaient pas. Ils glissaient, sans un son, sans une friction. Leurs bras se sont allongés en lames de silence pur, non pour couper la chair, mais pour effacer la Résonance.
Le premier a frappé. Un arc parfait, mathématique. J'ai pivoté sur mon talon, la lame frôlant mon plastron avec un chuintement qui n'était pas un son, mais une annulation du son. Mon propre mouvement a semblé vulgaire, bruyant, une insulte à cette quiétude mortelle. J'ai riposté. Mon Éclat de combat a heurté le leur. Pas de choc métallique. Juste une dissonance sourde, comme une corde de harpe qui se brise dans le vide.
« Ils ne combattent pas, ils corrigent, » a soufflé Astou. « Ils te voient comme une erreur dans le motif. »
Une erreur. Une faille. Ma plus grande force. Le second gardien a tenté d'effacer mon épaule. J'ai laissé l'attaque venir, et au dernier instant, je n'ai pas esquivé. J'ai accueilli le contact. La lame a mordu mon armure, y gravant une nouvelle ligne brisée, une nouvelle imperfection.
Une vague de pure agonie a traversé l'espace. La Résonance.
Les gardiens ont vacillé, leur perfection fissurée par cette intrusion de vérité. C'est là que je l'ai vu. Au cœur de la salle, une distorsion, un nœud dans la trame lisse de la réalité. L'Éclat du Soupir Oublié. Il n'était pas un objet, mais un point de douleur.
J'ai bondi par-dessus les gardiens brisés, ma main se tendant vers ce vide frémissant. Le toucher fut une brûlure de glace. L'écho d'un millier de larmes jamais versées, la peine d'un deuil collectif scellé par la peur. Je l'ai arraché à son néant.
Le Chœur a hurlé. Un son unique, terrible, le son d'une mémoire qui revient. Les murs se sont fracturés. Les piliers ont pleuré des larmes de cristal.
Je tiens l'Éclat dans ma paume. Il est froid, et il vibre d'une tristesse infinie. HATHOR voulait que je comprenne la nécessité de son filtre, de sa mémoire. Mais je comprends autre chose. La douleur n'est pas une chose à archiver ou à guérir. C'est un poids à porter. Ensemble. C'est le prix de la Résonance. Mon fardeau n'est pas de choisir entre les Sept Qui Règnent, mais de porter le poids de leurs vérités contradictoires. Et de ne jamais, jamais laisser le silence gagner.