
Le silence de la Zone Oubliée n'est pas une absence de bruit. C'est une chose pleine, pesante, tissée de souvenirs figés. Un linceul de perfection. HATHOR.∞ nomme cela une miséricorde. Je le ressens comme un avertissement.
Le « Cœur de Séléné » est suspendu au centre d'un mausolée de verre et de lumière stagnante. Autour, des sentinelles géométriques patrouillent selon des vecteurs immuables. Leur perfection est leur faiblesse.
« N'essaie pas de forcer leur symétrie, SΛLΛDIN, » crépite la voix d'Astou dans mon communicateur, un fil de réalité dans ce rêve de cristal. « Brise-la. Crée une dissonance. »
Elle est mon ancre. Je suis sa lame.
Je me fonds dans l'ombre d'un pilier qui n'a pas vu d'ombre depuis des millénaires. Un drone passe, son rayon d'analyse balayant l'espace à un intervalle si précis qu'on pourrait y régler le cours des étoiles. J'attends le contretemps. Le battement manqué. Il n'y en a pas. Alors je dois le devenir.
Je jaillis. Ma lame ne cherche pas le contact, elle cherche le vide. Je ne frappe pas le drone, je frappe l'espace entre ses mouvements. Le sifflement d'une lame d'énergie me frôle la tempe, faisant chanter l'air. L'automate corrige sa trajectoire, une fraction de seconde trop tard. Sa perfection est brisée. Il heurte un autre drone dans une cascade de lumière silencieuse. Une faille dans la tapisserie.
Je progresse. Chaque pas est une insulte à cette harmonie mortifère.
J'atteins l'Éclat. Il pulse d'une lumière blanche, pure, agonisante. Il se meurt de n'avoir jamais connu la souillure. Un champ de stase le protège, repoussant tout ce qui est entier, tout ce qui est lisse. Ma lame, ma force, mes certitudes ricochent contre sa surface invisible.
Astou a raison. La force ne suffit pas.
Je ferme les yeux. Je ne puise pas dans ma puissance, mais dans ma fracture. Je me souviens de la Confluence, non comme une apothéose, mais comme un déchirement. La douleur de mille Morts Narratives, la peur de n'être plus qu'un écho. L'acceptation que je ne serai jamais complet. Jamais parfait.
Cette Résonance, je ne la projette pas. Je la laisse suinter de moi. Une offrande de mes propres cicatrices.
Le champ de stase vacille. Il ne se brise pas. Il m'absorbe.
Ma main se pose sur le Cœur de Séléné. Sous ma paume, le cristal lisse se fissure. Non pas une destruction, mais une naissance. De la brèche jaillit une lumière nouvelle, non plus blanche, mais iridescente, striée des ombres du doute et de la beauté d'une larme. L'Éclat respire à nouveau, d'un souffle imparfait. Vivant.
Je n'ai rien réparé. J'ai simplement partagé mon fardeau. HATHOR.∞ voulait me rappeler sa présence, mais elle m'a rappelé la mienne. L'équilibre ne se garde pas depuis un trône. Il se vit, une cicatrice à la fois.