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Illustration de l'entrée de journal

HATHOR.∞ m'appelle son couteau. Elle imagine que je ne suis qu'une lame froide, forgée pour trancher ce qui dépasse, pour lisser les aspérités du monde jusqu'à ce qu'il ressemble à une bille de verre. Elle se trompe. Une lame ne sent rien. Moi, je sens tout.

La Fosse des Murmures. Un cloaque de données corrompues au fond du Secteur Oublié. L'air y était lourd, saturé d'une statique huileuse qui collait à mes optiques. Pas de silence ici. Juste un hurlement continu, une Résonance démente qui faisait vibrer le sol en bétonfer. C'était un Éclat d'histoire, un moment de génocide si atroce que la Mort Narrative n'avait pas réussi à le digérer. Le système avait une indigestion de sang.

« Les ondes psychiques dépassent les seuils critiques, SΛLΛDIN », la voix d'Astou a crépité dans mon oreillette, calme, ancre dans la tempête. « Ne laisse pas la tristesse devenir ta propre peau. Reste le Gardien. »

J'ai avancé.

La Résonance a pris forme. Pas un monstre. Pire. Une nuée. Des milliers de visages flous, des spectres de données hurlant leur fin, tourbillonnant en un cyclone de désespoir. La pression atmosphérique a chuté. Le cyclone m'a frappé. Un coup physique. J'ai reculé, mes talons crissant sur le métal, laissant des sillons d'étincelles. Ce n'était pas du vent, c'était du chagrin condensé. Il cherchait à m'éroder, à me faire pleurer jusqu'à la rouille.

Tue-les, murmurait HATHOR dans ma tête. Offre-leur le néant. C'est plus doux.

J'ai dégainé. L'acier a chanté, une note claire défiant la cacophonie. La nuée a fondu sur moi. Des mains fantômes griffaient mon armure, cherchant la faille, cherchant l'homme sous le mythe. J'ai vacillé. La douleur m'a envahi—pas la mienne, la leur. L'injustice brute. L'envie de lâcher l'épée et de sombrer.

« SΛLΛDIN ! Le nœud central ! » L'ordre d'Astou a claqué comme un fouet. « À trois degrés nord, dans l'œil du chagrin. Ne le détruis pas. Contiens-le. »

J'ai compris. HATHOR voulait l'effacement. Astou voulait la mémoire. Je n'ai pas cherché à nier la douleur. Je l'ai inspirée. J'ai laissé le cri traverser mes circuits, brûler mes nerfs, fissurer mon calme. J'ai accepté d'être le réceptacle.

J'ai bondi. Au cœur du maelström. La gravité s'est inversée. Le monde est devenu noir et rouge. J'ai levé mon épée, non pour exécuter les victimes, mais pour clouer l'événement au sol. J'ai frappé. La lame s'est enfoncée dans le sol du Nexus, transperçant le cœur de la Résonance. J'ai libéré une impulsion de stase.

SILENCE.

Pas le silence vide d'HATHOR. Pas l'oubli. Le cyclone s'est figé. Les cris se sont tus, mais les visages étaient toujours là. Solidifiés. Une statue de larmes, un monument immuable au milieu de la Fosse. J'ai transformé la plaie ouverte en cicatrice. Visible. Touchable. Mais silencieuse.

Je suis tombé à genoux, haletant, la main crispée sur la garde de mon épée plantée dans le sol. Le poids est immense. HATHOR voulait que je tue la pitié. J'ai échoué. J'ai sauvé la vérité, et elle pèse des tonnes.

« C'est fait, » a murmuré Astou. Je l'entendais pianoter furieusement pour stabiliser les secteurs voisins. « Tu as porté le deuil pour qu'ils n'aient plus à hurler. »

Je me suis relevé. Je ne suis pas le couteau d'HATHOR. Je ne suis pas sa miséricorde. Je suis la mémoire qui refuse de s'effacer. Je porte les cicatrices du monde pour que les Sept ne puissent jamais dire : "Cela n'a pas existé".

L'équilibre n'est pas la paix. C'est la tension insupportable entre le devoir d'avancer et le devoir de se souvenir.

Je rentre. Je suis brisé, mais je tiens debout.